27 J.Castex, J.Ch. Depaule,
Formes urbaines : de l’îlot à la
barre, 1980, p.153
28 Aldo Rossi, L’architecture de la
ville, 1981
29 J.-L. Bonillo, La modernité en
héritage - Le CIAM9 d’Aix-en-
provence et la crise générationelle du
Mouvement Moderne, INAMA/
ENSA, dans Rives méditerra-
néennes, 2014
30 Aloïs Riegl, Le culte moderne
des monuments, Son essence et sa
genèse, Socio-anthropologie [En
ligne], 2001
Le déclin économique : l’héritage des sites indus-
trielles
Le déclin économique
L’activité industrielle à Bruxelles a peu à peu décliné au milieu du
XXème. Diverses raisons en sont à l’origine. Les plus évidemment concernent
les entreprises ne disposant pas de l’espace sufsant pour se développer.
Souvent ces dernières se déplacèrent à l’extérieur des villes, acquérant des
terrains de moindre valeur foncière. D’autres raisons sont plus originales,
c’est le cas pour les anciens abattoirs communaux d’Ixelles qui après seu-
lement 40 ans d’activité ferment suite aux plaintes incessantes des rive-
rains. Les plus désolantes concernent les cessations d’activité, nombreuses,
initiées par les coûts de constructions pharaoniques d’après-guerre, et
concurrencées par la reconstruction rapide des industries françaises et alle-
mandes. Les législations politiques et décisions normatives (hygiéniste, ar-
chitecturale …) ont aussi fait leur lot de victimes. Entre autre, l’interdiction
de produire des alcools forts, prise au lendemain de la Première Guerre
mondiale, a défait nombre de distilleries bruxelloises présentes dans la val-
lée de la Senne. Plus récemment, la mondialisation de l’économie va ac-
centuer le phénomène. Les centres de décision ainsi que les infrastructures
industrielles tendent à se délocaliser vers des pays où la main-d’œuvre est
moins coûteuse.
Ce bouleversement économique qui a touché toute l’Europe occidentale,
a provoqué l’abandon de nombreux complexes industriels, dont nous hé-
ritons aujourd’hui.
Les mutations récentes de l’activité interne
Depuis le début des grandes planications urbaines, « la ville est sou-
mise globalement à la clarication, à la spécialisation, au zonage. La ségrégation sociale
est inscrite horizontalement dans l’espace urbain. »27 La conséquence première est
l’homogénéisation des quartiers. Cette pratique contemporaine se calque
sur les évolutions techniques (notamment en matière de transport) et se
veut favorable à la séparation des moments de la vie quotidienne.28 Les
espaces commerciaux sont rassemblés, les îlots d’habitation densiés et
isolés, les espaces industriels déplacés.
Cette attitude urbanistique, d’entre-deux-guerres, est dénie dans la chartre
d’Athènes en 1933, sous le thème de « la ville fonctionnelle ».29 Au même
moment, un fort déclin industriel touche les grandes villes européennes.
Les installations industrielles récemment abandonnées ne sont pas im-
médiatement considérées comme un patrimoine économique de la ville,
mais plutôt comme des friches urbaines nouvelles à forte valeur foncière.
Les pratiques de destruction du paysage industriel urbain se développent.
Mais, il subsiste toujours à Bruxelles un parc immobilier industriel impor-
tant. Ces bâtiments, de par leur taille, se sont souvent vus reconvertir ra-
pidement en lofts, bureaux, ou tout autre espace locatif, permettant une
rentabilité immédiate. Malheureusement ces transformations rapides ont
entraîné des destructions ou des restructurations incohérentes par rapport
aux fonctions premières des complexes. On parle ici de perte de la valeur
d’usage des bâtiments. Quelques bâtiments, les plus vieux principalement,
recèlent de détails qui montrent de quelle manière l’industrie fonctionnait
à l’époque. Ils sont par leur architecture une trace historique de la manière
22
34 Inter-Environnement
Bruxelles, Les intérieurs d’îlots en
région bruxelloise, Séminaire du
13 juin 2006
35 Ibidem
dont Bruxelles a vécu sa révolution industrielle et se classe dès lors comme
architecture à valeur historique. « La valeur historique d’un monument résulte du
fait qu’il représente pour nous un moment déterminé de l’évolution dans un domaine
quelconque de l’activité humaine. »30 En parallèle, d’autres surfaces en intérieur
d’îlots sont aujourd’hui occupées par des ateliers et des entrepôts. Ces bâ-
timents abritent parfois des activités non réglementées (casses de voitures,
vente de matériaux, grossistes alimentaires, etc.). Elles sont nuisibles à la
qualité intérieure de l’îlot et génèrent des problèmes visuels, olfactifs ou
sonores.
La chartre d’Aalborg, adoptée en 1994, prône une mixité fonctionnelle
urbaine au service du développement durable, réduisant le besoin de mo-
bilité.31 Elle s’oppose à la chartre d’Athènes lui reprochant notamment la
surutilisation des réseaux de communications au quotidien. En suivant ce
concept contemporain, la réutilisation de ce patrimoine manufacturier en
centre urbain ne peut-elle pas devenir une ressource au service de la mixité
fonctionnelle ?
Les mutations futures – point de vue public
L’étalement urbain est un problème récurrent des villes occiden-
tales. Liée à une uniformité identitaire des quartiers, la ville n’apparait plus
comme un lieu mixte, mais comme la juxtaposition de quartiers à caractère
indépendant imposant à l’homme urbain un déplacement tout au long de sa
journée. Cette attitude urbanistique moderne est un problème aujourd’hui,
car de nombreux quartiers présentent une certaine forme de précarité et ce
dans toutes les communes de la région. En 1993, les autorités adoptent des
plans d’actions dans le but de revitaliser durablement certaines des zones
les plus fragilisées. Les contrats de quartiers apparaissent et seront redénis
en 200032 par arrêté gouvernemental. Trois axes sont couverts33 :
- Les projets d’espaces publics : aménagement de l’espace public, création
d’espaces verts, redéploiement des terrains en friche
- Les projets immobiliers : création d’infrastructures de proximité, de lo-
gements
- Les projets socio-économiques : projets renforçant la cohésion sociale
dans un quartier
Depuis, à l’échelle de l’îlot, il y a déjà eu de nombreuses expérimentations à
partir desquelles nous pouvons dégager des observations.
À Molenbeek-Saint-Jean, le contrat de quartier « Marie-Christine » a permis
la transformation d’un ancien îlot industriel, situé à l’angle des rues Com-
tesse de Flandre et rue de Molenbeek. Le programme a inclus la rénovation
d’un bâtiment industriel en salle polyvalente, l’adjonction de logements et
dédie, en son centre, un espace public. Actuellement le lieu ne vit pas assez
puisqu’il est trop souvent fermé au public. La responsabilité du site revient
aux acteurs de la salle polyvalente.34
À Saint-Josse, le contrat « Bossuet-Houwaert » aménagea un parc semi-pu-
blic accessible uniquement au 29, rue de l’union par la Maison locale de
Saint-Josse. Cette caractéristique limite fortement l’accès au public, une
seconde entrée a été envisagée rue Potagère, mais l’idée n’a toujours pas
abouti. L’intérieur d’îlot est sous-utilisé.35
32 Arrêté du Gouvernement du
27 mai 2010
33 Quartier.brussels, Un contrat
de quartier, c’est quoi ?, www.
bruxelles.be, 03/2018
31 Site de l’Association Adé-
quations, La Chartre d’Aalbord,
1994, Villes, Migrations,
Démographie – Questions
urbaines, Mise en ligne : 2008
23
L’aménagement du parc Saint-François, qui traverse dans toute sa longueur
l’îlot délimité par la rue de la Poste (51) et la rue Verte (50), a été opéré en
2001. Long de 200 mètres l’îlot est dédié aux jeux pour enfants et dispose
d’une salle de sport polyvalente. Le principal problème ici concerne ses
accès. Un sentiment d’insécurité s’est installé concernant les longs passages
étroits qui mènent à l’intérieur de l’îlots. Le parc est désormais fermé la nuit
par de grandes grilles.36
De ces trois exemples peuvent se dégager plusieurs réexions. Tout
d’abord, le site doit répondre aux attentes des acteurs locaux et s’intégrer
à son quartier. Une étude préalable est nécessaire de manière à déterminer
les enjeux relatifs à l’environnement socio-économique. Le programme
envisagé doit être bénéque pour l’îlot et améliorer le cadre des vies des
utilisateurs immuables. Il est nécessaire d’établir à l’avance les responsabi-
lités de chaque nouvel acteur. La propriété du site, la gestion (d’ensemble
ou de fraction) et le gardiennage doivent être, eux aussi, préalablement
dénis de manière à spécier l’implication personnelle de chacun. La qua-
lité des accès est déterminante et est relative aux ux dans l’îlot et dans les
infrastructures le composant. Enn une organisation horaire doit assurer
les permissions d’accès et les fonctionnements internes de jour comme de
nuit. La cohérence entre le programme et les critères ici établis doit per-
mettre à l’îlot rendu public (ou partiellement) un avenir pérenne, loin de
toute expérimentation urbaine.
36 Ibidem
24